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mardi 17 décembre 2013

DISCOURS DE BERNARD LANNES AU CONGRES CR 2013

Une récente étude Européenne, menée en France par l'INRA, a essayé de montrer les stratégies qu'adopteraient les agriculteurs en cas de suppression totale des aides en 2020.
Il en ressort que plus d'un tiers des agriculteurs arrêteraient leur activité d'ici à 2020, notamment dans les zones à handicap naturel.

Il a été aussi démontré qu'une disparition de la PAC induirait, de la part des exploitations restantes, un ralentissement des investissements, une baisse de l'utilisation des intrants, et une réduction des stratégies d'agrandissement.

La disparition de près d'un quart des exploitations actuellement en place, aurait surtout des conséquences délétères sur l'emploi et les dynamiques sociales des territoires ruraux, sur l'environnement, le tourisme, ainsi que sur les économies locales et régionales.

Cette mise en évidence du poids stratégique de l'agriculture Française n'a pas empêché le parlement Européen d'adopter, à une large majorité, la réforme de la PAC.

Une fois de plus, dans ce rendez-vous manqué, les ultralibéraux l'ont emporté, laissant l'agriculture sans protection.

La fin des quotas laitiers et sucriers a été actée et la réforme ne prévoit pas d'installer des prix garantis à la production par la mise en place de nouveaux outils de régulation.

Même le semblant de filet de sécurité, censé agir quand les prix seront vraiment bas, ne nous nous protégera pas.

La convergence des aides va encore accentuer les effets négatifs d'un budget agricole Européen appelé à diminuer dans les dix prochaines années.

Nous sommes toujours dans une Europe à 28 où chacun, dans une négociation de «marchands de tapis», essaye de profiter de quelques avantages, mettant ainsi à mal notre sécurité alimentaire.

C'est dans ce contexte que se discute en France la nouvelle PAC 2015- 2020, avec possible révision à mi-parcours.

Depuis deux mois, les innombrables réunions ont mis en évidence que le ministère de l'Agriculture veut tester sur les centrales syndicales une gestion purement budgétaire d'enveloppes contraintes.

M. le ministre, votre réforme n'est pas la nôtre. Vous partez d'un postulat de rééquilibrage des aides entre les productions, qui a la modeste ambition de maintenir l'activité et non de la développer alors que l'Europe a perdu son autonomie alimentaire depuis plusieurs années.

Les principes de la CR pour ces négociations sont simples: équité et revenu des agriculteurs.

C'est pour ces raisons que nous demandons un découplage total des aides.

Ce découplage ne va pas permettre aux agriculteurs de vivre de leurs rentes, mais il va les libérer du carcan dans lequel l'agroalimentaire, soutenu par la FNSEA-JA et l'APCA, veut les enfermer, les réduisant à des apporteurs de matière première à bas coût.

Une certaine coopération n'étant plus au service des agriculteurs, nous avons vu récemment comment, par une entente illicite, des coopératives avaient réussi à faire baisser le marché au cadran du porc Breton.

Pour gérer les enveloppes, votre ministère teste des scénarios où entrent en jeu les planchers et les plafonds qui éliminent des agriculteurs afin de garder un montant d'aide minimum.

Par souci d'équité, nous demandons la suppression des plafonds et plutôt que des planchers injustes nous vous proposons des taux planchers de spécialisation.

Je ne vois pas pourquoi il faudrait exclure une partie de la production alors que depuis 1992, le revenu des agriculteurs n'a cessé de baisser, les poussant à l'agrandissement.

Quand on a une ambition pour un secteur stratégique, on se doit d'y mettre les moyens. Ce n'est pas le cas pour l'agriculture.

Le régime des aides que nous combattons depuis 1992, arrivera à son terme d'ici 2020 et vous savez, M. le ministre, que le libre marché censé tout régler ne nous protégera pas dans cette mondialisation débridée.

Même s'il y a eu une embellie sur le secteur des céréales, 2013 est une mauvaise année tous secteurs confondus.

Notre métier reste lié aux aléas climatiques. Nous en subissons les conséquences et ce n'est pas l'assurance récolte qui peut régler nos problèmes.

Et que penser du Fond De Mutualisation Céréalier Éleveur, prôné par Xavier Beulin quand les céréaliers «s'en mettaient plein les poches» alors que les éleveurs «ne s'en sortaient pas»

M. le ministre, il n'est pas indécent que des céréaliers aient un revenu conséquent. Ce qui est indécent c'est que les éleveurs qui travaillent 365 jours par an perdent de l'argent.

Prenons l'exemple du lait.
2013 devait voir les cours remonter car le marché mondial tire les prix vers le haut.
Les Hollandais et les Danois ont vu leur rémunération augmenter et les Français restent les plus mal payés car seul l'agroalimentaire tire les marrons du feu.

La régulation Européenne que nous défendons avec l'EMB, permettrait de faire remonter les cours au-delà de 450€ les 1000 litres, et dans ce cas-là, le revenu des éleveurs ne serait pas indécent.

Depuis plusieurs années, on a poussé les agriculteurs à se spécialiser et voilà que maintenant on cherche à nous dresser les uns contre les autres.

Dès 1992 nous avions pressenti les ravages de ces luttes professionnelles et nous nous étions mobilisés ensemble, scandant le slogan «tous unis».

Quel politique responsable peut parler d'agroécologie et d'agriculture durable, quand depuis 20 ans, 50% des agriculteurs ont quitté le métier, qu'une majorité d'entre eux n'a plus de revenu et que nous sommes la catégorie sociale qui a le plus fort taux de suicide

A la CR nous pensons qu'un avenir est possible

Nous pouvons reconquérir nos marges de production.

Dans 100€ de courses alimentaires, le coût de la production agricole à la sortie de la ferme est de 8€ seulement.

Ce n'est pas moi qui le dit. C'est l'observatoire des prix et des marges, qui apporte des données fiables pour une meilleure transparence des prix.

Si on augmente de 40% les prix à la production, le panier de la ménagère subira une inflation de 3,2% et la part du budget total des ménages consacré à l'alimentation passera de 9,3 à 9,6%.
par contre la pression fiscale, elle, s’allégera.
C'est du niveau CM2 largement au-dessus de celui de l'ENA.

Cette augmentation de 0,3% des dépenses des ménages c'est d'ailleurs exactement celle que les ménages ont acceptée entre 2005 et 2008 pour consommer des TIC dont la part est passée de 4,2% à 4,5% dans leur budget total

Votre discours sur l'agriculture durable doit être basé sur un revenu décent pour les agriculteurs.

Lorsque nous avons rencontré le président de la République, nous lui avons fait part de la dérive d'une «certaine coopération».

Vous savez qu'elle est aux mains de la FNSEA.

Une cogestion assumée par plusieurs gouvernements successifs a permis de créer des groupes coopératifs qui ne sont plus contrôlés par leurs adhérents.
Ces outils externalisent les plus-values réalisées via des SA, plutôt que de les ristourner vers leurs adhérents.

Il vous suffit de regarder ce qui se passe dans la production laitière pour vous en convaincre.

Supprimez les avantages fiscaux dont bénéficient ces coopératives et obligez les à revenir au principe «un homme-une voix» pour l'adoption des grandes décisions.


Faites entrer tous les syndicats représentatifs dans le Haut Commissariat de la Coopération Agricole pour remettre de l'éthique dans ces outils.

En organisant une reprise en main par les agriculteurs de cette coopération, vous leur permettrez de récupérer de la marge de production de façon plus efficace que par de la contractualisation qui les asservit.

Si la coopération redevient le fer de lance d'une production régulée, elle tirera le marché vers le haut et le privé suivra.

Puisque nous sommes en Bretagne, je veux maintenant parler du modèle Breton.

Ces dernières semaines, une actualité brûlante a mis dans la rue diverses catégories sociales, dont des salariés de l'agroalimentaire. Tous unis sous un bonnet rouge mais avec des revendications différentes.

Bien sûr, c'est une catastrophe pour les salariés de perdre leur emploi. Ils sont devenus, avec les producteurs, la variable d'ajustement d'un modèle agroalimentaire Breton qui se meurt.

La mise en place de l'écotaxe a été le révélateur de l'ampleur du malaise que vit la Bretagne.

La CR a refusé cette taxe mal pensée dès sa création car elle constituait un nouvel impôt sur les transports intérieurs qui pénalise les produits agricoles.
Sa suspension temporaire et la mise en place d'une commission parlementaire par le premier ministre, va laisser du temps à un dialogue plus que nécessaire.

Je rappelle qu'à la CR nous sommes favorables à une écotaxe intelligente qui repose sur les trois piliers du développement durable:

Économique : la CR prône le développement économique de la France, en particulier celui des secteurs en mesure de créer de la valeur ajoutée. C'est le cas de l'agriculture, si on la met à l'abri de la concurrence déloyale permise par des transports dont le coût n'inclut pas les impacts sociaux et environnementaux.
A ce titre, la CR demande l'exonération totale des transports indispensables à l'agriculture, que ce soit pour son approvisionnement ou pour ses expéditions.

social : la CR souhaite le maintien et le développement de l'emploi réparti de manière équilibrée sur l'ensemble du territoire, afin de favoriser les circuits courts et d’éviter les délocalisations.
L'écotaxe ne doit donc pas s'appliquer sur des courtes distances.

environnemental : la CR demande que les transports sur longue distance, qui n'ont comme seule justification qu'une compétitivité de coût de fabrication ou de transformation, soient pénalisés.
C'est le cas des porcs bretons abattus en Allemagne puis découpés en Bretagne.
Enfin M. le ministre, vous devriez convaincre votre ami Dacian Ciolos, de mettre ces portiques aux frontières de l’Europe (si possible gérés par des entreprises françaises), pour qu'ils permettent de percevoir une TVA sociale qui rééquilibrerait les distorsions sociales et environnementales qui nous tuent.

Le modèle Breton, qui a fait la richesse de cette région, ne pourra perdurer qu'avec une production agricole régulée garante de prix rémunérateurs.
Les chantres de l'intégration, qui demandent la baisse du cours du prix des céréales, sont ceux qui nous ont mis dans le mur.

Un autre sujet nous occupe beaucoup en ce moment: la Loi d'Avenir Agricole.

Depuis quinze ans avec la loi «Glavany» d'orientation agricole, cinq grandes lois auront tenté d'orienter l'agriculture. Celle-ci, comme les autres, vient se télescoper avec la PAC et les accords bilatéraux.

Le «choc de simplification» annoncé à grand renfort de communication, n'a abouti qu'à un ''mille-feuille'' de lois qui compliquent l'exercice de notre métier et dans lequel de puissants lobbies essayent de pousser leurs avantages.

Je ne vais pas vous énumérer la longue liste des articles pour lesquels nous avons suggérés des amendements aux parlementaires. Vous pouvez les consulter sur notre site web ou dans nos communiqués.

Je prendrais juste un exemple pour vous montrer que le diable se cache dans les détails.


Dans l'article 6 intitulé «coopératives et groupements de producteurs», Coop de France demande que les coopératives puissent rentrer dans les Groupements Fonciers Agricoles.

Jacques Laigneau fondateur de la CR disait souvent: «vous verrez, un jour ils vous prendront vos terres». Eh bien nous y sommes! Et si la CR n'était pas là, cet amendement passerait sans faire de bruit avec la bénédiction de la profession.

Enfin, je saisi l’opportunité du projet de loi d’avenir agricole pour rappeler certaines de nos revendications historiques:
  • la libéralisation du commerce des céréales;
  • l’accession de tous les syndicats agricoles représentatifs, à la négociation collective;
  • la consécration du pluralisme syndical au sein de diverses instances, encore réservées à un seul courant de pensées (les établissements scolaires, le HCCA, les commissions départementales de la chasse et de la faune sauvage etc…);
  • la possibilité de réaliser, pour des sociétés civiles, des prestations de service;
  • la suppression du caractère obligatoire de la contractualisation;
  • la mise en place de la TVA sociale
  • l'instauration d'un maillage territorial en matière d'abattage afin de préserver les productions animales locales.
  • l'assouplissement des modalités du tir de défense en cas de présence d'un prédateur pour les éleveurs ou bergers de montagne.
Et maintenant, je veux venir à ce qui nous intéresse tous et doit nous motiver : la défense de notre métier et de nos valeurs.

Les dernières élections aux Chambres d'agriculture nous ont permis de progresser et de devenir le deuxième syndicat de France.

Notre présence sur la quasi-totalité du territoire fait de nous un acteur incontournable dans les négociations.

Je tiens ici à remercier celles et ceux qui prennent sur leur temps pour défendre nos idées dans la multitude de réunions.

C'est usant, souvent ingrat, mais tous peuvent témoigner que la pire des politiques est celle de la chaise vide.

Tout particulièrement en matière d'écologie, nous nous retrouvons face à des militants acharnés, bien organisés, mais qui ont une approche de l'agriculture déconnectée de la réalité.

Ils ne pèsent que 2 % aux élections, mais ils veulent imposer leur diktat au mépris de toute démocratie. Les Bretons sont bien placés pour en témoigner.

M. le ministre, trop d'écologie tue l'écologie, comme trop d’impôt tue l’impôt.

Ne vous laissez pas berner par ces écologistes citadins qui vont jusqu'à prétendre que le miel produit par les villes est meilleur que celui des campagnes car il n'y a pas de pesticides dans les villes.

Votre concept d'agriculture «écologiquement intensive» doit permettre de remettre les agriculteurs au centre des débats car je le redis une fois de plus nous sommes les premiers écologistes de France.

je veux aussi revenir sur l'éthique syndicale qui est la nôtre: «agriculteurs, tous unis».

S'il est un objectif de la nouvelle PAC qui va être atteint, c'est celui d'opposer les agriculteurs entre eux et notamment les céréaliers contre les éleveurs.

Si certains pensent que les céréaliers seront les seuls perdants, ils se trompent. Beaucoup d'éleveurs en système polyculture élevage vont aussi perdre un peu plus de 30% de leurs aides.

Depuis le début de la PAC, le prix des céréales a chuté, malgré ça, le cours du porc n'a pas pu éviter la faillite de nombreux élevages.

Je vous rappelle qu'en des temps pas si lointains, certains responsables FDSEA Bretons de la filière porcine, disaient que si le cours des céréales ne baissait, pas ils affréteraient des bateaux pour importer de la marchandise à bas prix.

Tout ça pour défendre un modèle agroalimentaire Breton qui aujourd'hui est en train de mourir.

En fait notre ministre de tutelle devrait être Arnaud Montebourg, le ministre du redressement productif.

S'il y a bien une entreprise qui produit dans notre pays et qui ne peut pas être délocalisée, c'est la ferme France.

S'il y a bien une entreprise qui est capable de relever des défis en représentant beaucoup plus d'emplois qu'Airbus, c'est la ferme France.

S'il y a bien une entreprise qui produit une alimentation de qualité avec une sécurité alimentaire exemplaire, c'est la ferme France.

N'écoutez pas les mensonges d'un syndicalisme cogestionnaire dit majoritaire, qui nous monte les uns contre les autres.

Je ne suis pas celui qui met une marinière pour accueillir le ministre, alors que je préside un fond qui délocalise et organise la misère des agriculteurs.

Je suis fier de présider un syndicat 100% agriculteurs, où notre souci principal est le revenu des agriculteurs.

Sans agriculteurs, il ne peut pas y avoir d'agriculture prospère. Alors battons-nous pour reconquérir nos outils et nos marges.


Tous unis, nous pourrons retrouver des revenus décents pour faire vivre nos familles, et on ne nous les jettera plus à la figure.

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