Blocage d’un Leclerc en Vendée par la FNB – Un éleveur décrypte
Depuis le 17 mai, la Fédération nationale bovine (FNB) a entrepris une campagne de mobilisation contre le groupe Leclerc au motif que le groupe ne respecterait pas ses engagements sur la démarche Éleveur et engagé lancée par le syndicat. Dans ce cadre, la FDSEA de Vendée a bloqué le supermarché Leclerc du Poiré-sur-Vie (85) mardi 31 mai et mercredi 1er juin. Stéphane Charbonneau est éleveur dans ce département et nous livre son point de vue.
Que pensez-vous du blocage du magasin les 31 mai et 1er juin ?
Quand on comprend les mécanismes de la démarche imposée par la FNB, ce blocage n’a rien de légitime. Éleveur et engagé n’est que le prête-nom de l’initiative Cœur de Gamme, lancée courant 2016. Il faut savoir que 12 000 vaches sont actuellement abattues chaque semaine en France. Or, les animaux valorisés en « Cœur de de gamme » ne représentent qu’une part infime des abattages. Certains opérateurs m’ont parlé de 1 000 animaux par semaine. Ce qui est cohérent avec les chiffres de la FNB qui avance le chiffre de 4 000 animaux par mois. Or, rien ne permet de distinguer concrètement ces animaux de ceux rémunérés de façon « traditionnelle ». Il n’existe aucun cahier des charges formalisé sur le Cœur de gamme, contrairement à d’autres démarches de qualité mises en place dans la filière. Je m’interroge donc sur la manière dont est choisi le millier d’animaux qui bénéficie d’un euro supplémentaire au kilo. Le blocage du Leclerc n’est qu’une action politique et clientéliste qui vise à récompenser une minorité affiliée à la FNB.
Je préférerais que la viande augmente de 20 centimes par kilo pour tous plutôt que de voir certains éleveurs bénéficier d’un euro de façon totalement opaque. Ce serait plus juste et plus cohérent.
Avez-vous eu l’occasion de travailler avec ce magasin en particulier ?
Je ne travaille pas directement avec Leclerc, mais je connais bien les responsables de l’enseigne dans le département. Nous avons régulièrement des discussions franches et réfléchies sur le marché de la viande et ses perspectives. Certains de mes voisins travaillent plus directement avec l’enseigne. J’ai beaucoup d’échos positifs de leur part, notamment sur le fait qu’un travail approfondi a été réalisé pour assurer l’approvisionnement en viande issue des troupeaux du département.
Selon vous, quelles vont-être les conséquences de ce blocage ?
Il faut savoir que Leclerc a pris depuis longtemps l’engagement de s’approvisionner à plus de 90 % en viande française. Il est plus difficile pour elle de répondre aux exigences de la FNB que d’autres enseignes capables de compenser l’euro supplémentaire en important de la viande à bas prix de pays tiers. Il ne faudrait surtout pas que l’enseigne cède à la FNB : cela l’obligerait à baisser ses prix pour l’ensemble des éleveurs.
Plus globalement, que pensez-vous de la démarche Cœur de Gamme ?
J’ai un élevage de 140 vaches allaitantes et leurs suites, ainsi que 300 taurillons à l’engraissement. 80 % de ma production part à l’étranger. Je commercialise le reste avec les abattoirs de proximité, en fonction du prix qu’ils proposent. Pour moi, cette démarche est complètement obsolète pour les raisons que j’ai évoquées : clientélisme, manque de transparence, révélatrice d’une absence de réflexion à la FNB pour augmenter le prix de manière globale… Je pense qu’elle a été mise en place par des personnes qui ont besoin de faire parler d’eux au sein de leur propre syndicat.
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