La Coordination Rurale se désole du vote des eurodéputés, qui ont ratifié mercredi 15 février l’accord de libre-échange Union européenne/Canada (CETA). La section Viande ne décolère pas de voir que ces responsables européens n’aient toujours pas pris conscience du danger que représente l’ultra-libéralisme pour l’économie européenne, et en particulier pour sa filière viande.
Une menace directe sur les produits à haute valorisation
Depuis plusieurs mois, la CR dénonce les risques que ce traité fait planer sur l’élevage européen. Il y a dix jours, une étude réalisée par l’Idele, l’Ifip et AgroParisTech donnait corps à ces critiques. Elle démontre de manière chiffrée les pertes que devrait supporter la filière viande. Ainsi, les exportations canadiennes pourraient augmenter de 70 000 tonnes équivalent carcasse. Rapportées aux 190 000 tonnes du contingent actuel, cela représente une hausse de 37 % qui serait constituée presque exclusivement de pièces arrière à haute valorisation. C’est le cœur du revenu des éleveurs européens qui serait ainsi touché. Au total, toujours d’après l’étude, la production européenne serait dépassée de 3 %.
Une menace indirecte via l’augmentation du cheptel laitier
Peut-être les responsables européens n’ont-ils voulu voir que les maigres gains dont pourraient bénéficier la filière laitière. Les exportations de fromages vers le Canada pourraient en effet augmenter de 17 000 tonnes, soit… 0,25 % de la production européenne. Si on peut s’interroger quant au fait que cette augmentation sera répercutée auprès des éleveurs, on peut être certain qu’elle se traduira par une hausse du cheptel laitier, qui viendrait en retour peser sur les marchés de la viande déjà surchargé de réformes.
Les seuls espoirs de la filière sont désormais dans les mains des parlements nationaux, qui doivent eux aussi ratifier le traité. C’est donc auprès de nos députés et sénateurs que nous devons continuer la mobilisation.
L’abandon généralisé de la filière viande
L’adoption du Ceta est à rapprocher des récentes réformes de la PAC, qui soutiennent de moins en moins l’élevage allaitant. Le nombre de femelles éligibles au titre de l’Aide aux bovins allaitants (ABA) a déjà été réajusté trois fois en deux ans en raison du dépassement du cheptel national primable. Preuve de l’incapacité du système de primes à maîtriser l’évolution du troupeau national. Quant aux aides unitaires, elles ne cessent là aussi de baisser. Fixée à 72 euros par vache lors du lancement de l’ABA en 2015, l’aide de base à la vache allaitante n’est plus aujourd’hui que de 66 euros 1. Ces effets cumulés sont catastrophiques : un élevage de 100 vaches et 20 génisses primées en 2014 toucherait 5 180 euros d’aides en moins en 2016.
Reste à mentionner les positions de la Fédération nationale bovine (FNB), dont le logiciel reste bloqué sur les mêmes schémas depuis 30 ans. Après la signature de CETA, elle s’est empressée de réclamer des « mesures compensatoires à la hauteur de l’impact sur le marché ». Faut-il entendre par là un énième saupoudrage d’urgence ? Une enveloppe d’aides faite pour masquer la nécessité de réguler enfin réguler le marché ? Il faut rappeler que le Copa Cogeca, à laquelle sont affiliées la FNSEA et la FNB, mais aussi les coopératives européennes, s’est félicité du vote des eurodéputés. On peut a priori s’étonner de la contradiction entre ce soutien du Copa et la demande d’aides de la FNB. Mais comment être surpris, alors qu’une autre étude, publiée par des chercheurs de l’Inra en décembre dernier 2, démontre que les aides publiques mises en place depuis 35 ans pour les éleveurs ont été très largement captées par l’aval des filières.
Face à ces constats, la question mérite encore une fois d’être posée : qui veut encore sauver la filière viande ?
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