Rallonge de 85 millions d'euros au Plan d'aides à l'élevage de juillet 2015 : qu'en pense la CR ?
Le Premier Ministre a annoncé hier les mesures prises par le gouvernement en réponse (déjà ficelée par avance!) à la démonstration de force de la FNSEA à Paris. Tout ça pour ça...
1) Prix rémunérateurs : Intensification des efforts pour veiller au respect des engagements de revalorisation des cours pour les secteurs porcin, bovin et laitier.
La Coordination Rurale ne devrait que se féliciter qu'enfin, sa principale revendication pour des prix, depuis sa création en réaction à la réforme de la PAC de 1992, soit d'une certaine manière reprise par le gouvernement.
Cependant, elle ne peut que dénoncer les moyens évoqués pour parvenir à des prix rémunérateurs à la production. Comment peut-on faire croire aux agriculteurs qu'il est possible d'imposer au sein de notre Hexagone des prix minima, alors que nous sommes dans le marché unique européen, sous le régime de la concurrence « libre et non faussée » et sous le contrôle de l'Autorité de la concurrence ? La condamnation des producteurs d'endives qui avaient essayé de tenir un prix plancher leur a d'ailleurs douloureusement rappelé ces règles d'airain.
La CR a dénoncé dès leur annonce cette supercherie qui n'est rien d'autre que de l'enfumage de l'opinion publique. Elle est d'autant plus scandaleuse qu'elle a reçu la caution de la FNSEA qui a ainsi convaincu les agriculteurs les plus désespérés et les plus crédules que la solution était enfin trouvée.
Pire, la désinformation va plus loin encore en fixant des prix soi-disant rémunérateurs alors qu'ils sont en deçà des coûts de production : il faudrait au minimum 430€/tonne pour le lait et 1€60 /kg pour le porc.
2) Crédits de 100 M€ pour prise en charge des intérêts d'emprunts et de 50 M€ pour l'allègement des charges sociales.
Au niveau des intérêts d'emprunts, on sera en moyenne à 650 € par éleveur ; pour ce qui est des charges sociales, ce sera la moitié… Il est louable de flécher prioritairement ces aides vers les éleveurs les plus en difficulté et les jeunes agriculteurs, mais l'approche devrait être plus globale et anticiper également le basculement des nombreuses fermes qui sont juste à la limite, pour les empêcher de sombrer. Par ailleurs, les petites et moyennes exploitations qui feront l'objet d'une attention particulière, ne sont pas forcément les plus endettées. Enfin, l'usage restrictif des codes NAF qui classifient les élevages en exclura nombre d'entre eux.
3) Année blanche pour alléger l'endettement « de ceux qui le demanderont ». La présentation sous-entend que toutes les demandes seront satisfaites, ce qui bien évidemment ne sera pas le cas, effet d'enveloppe oblige ! Le dispositif FAC (fonds d'allègement des charges) rentre dans le cadre des aides de minimis, limitées à 15 000 € sur 3 exercices comptables. Pour en bénéficier, il faut que l'EBE de l'exploitation se soit dégradé au cours du dernier exercice comptable. Ainsi, les éleveurs dans le rouge depuis des années, qui sont donc les plus fragiles, pourraient ne pas avoir accès à ce FAC si le dernier exercice a été « moins pire » que les autres !
4) Baisse des cotisations sociales à travers la baisse de la cotisation minimum maladie (environ 50 M€).
La protection sociale des agriculteurs étant en déficit perpétuel, chaque nouvelle prestation est systématiquement accompagnée d'une nouvelle cotisation. A contrario, il apparaît plus que probable qu'une baisse des cotisations impliquera une baisse des prestations. Cette aide n'est pas ciblée vers les agriculteurs les plus en difficulté, mais sera saupoudrée sur les petites et moyennes exploitations, en difficulté ou non.
5) Soutien renforcé à la modernisation des bâtiments.
Le problème est toujours le même : demander à des entreprises endettées d'investir, même avec une aide à la clé, nécessite l'accord préalable des banques, dont on connaît la frilosité quand il s'agit de prêter à des particuliers ou à des petites entreprises.
Par ailleurs, les hausses de productivité permises par ce type d'investissements ne compenseront jamais les écarts de poids des charges (fiscales, sociales, environnementales) qui nous pénalisent.
6) Pas de nouvelle norme environnementale... d'ici février 2016 !
Ce chantier est cher à la CR depuis toujours. Hélas, depuis le discours de l'ancien Président Sarkozy « l'environnement, ça suffit ! », les agriculteurs ont vu par deux fois s'étendre les zones vulnérables ou encore s'appliquer le Plan Ecophyto 2018... La CR préfère ignorer que les annonces du premier Ministre se sont limitées à une pause de 6 mois sur la surenchère environnementale et attend avec impatience de prendre activement part aux discussions pour avancer sur ce dossier crucial en agriculture.
Conclusion : Au final, la CR déplore qu'une fois de plus, le gouvernement se soit laissé emporter par la cogestion avec le syndicalisme majoritaire, pour sortir une extension symbolique du Plan de soutien déjà fragile. Les manifestants, plein d'espoir, sont revenus déçus. Le désarroi financier n'en est pas résolu. Il est temps de faire changer les choses et d'obtenir la réforme profonde de la PAC que la CR demande.
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