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mercredi 18 février 2015

LE DOUBLE JEU DES USA SUR LA POLITIQUE AGRICOLE

Les Etats-Unis auraient triché sur les niveaux réels de soutiens publics accordés à leur agriculture. C’est ce que nous apprend l’agroéconomiste Jacques Berthelot dans son article intitulé : « Pourquoi les Etats-Unis rejettent les modalités agricoles de décembre 2008 ».
Mais en plus de tricher sur les règles « du jeu » et d'imposer aux autres un libéralisme qu'ils ont choisi avec raison de ne plus s'imposer à eux-mêmes, les Américains sont beaucoup plus pragmatiques que l’UE dans l'approche de leur politique agricole.

Des soutiens publics mal notifiés à l’OMC
Les pays membres de l’Organisation Mondiale du Commerce (OMC) sont tenus de notifier chaque année à cette institution les niveaux de soutiens internes accordés à l’agriculture. Ces aides publiques doivent être compatibles avec les règles libérales fixées par les accords multilatéraux de l’OMC.

Or, entre 1995 et 2013, les Etats-Unis n’ont cessé de masquer le niveau réel des soutiens agricoles, concernant notamment l’aide alimentaire intérieure, ou encore les subventions aux assurances agricoles, aux aliments du bétail, au carburant agricole, aux produits laitiers, à l’éthanol de maïs et à l’irrigation.

Les Américains, plus malins que les Européens
Par ailleurs, les soutiens agricoles américains sont organisés plus efficacement que ceux de l’Union Européenne.

Le nouveau Farm Bill 2014-2018, signé par Barack Obama le 7 février 2014, conserve le filet de sécurité minimal avec un prix-plancher pour le blé de 110 $/t (soit 97 €/t). Si le prix de marché tombe en-deçà, cela déclenche des paiements compensatoires pour les producteurs.

Mais surtout, un dispositif complémentaire est proposé : le Price Loss Coverage Program (PLC), qui couvre les pertes de prix avec des prix de référence réévalués (pour le blé : 217 $/t, soit 192 €/t). En considérant un coût de production moyen pour le blé de 150 €/t aux USA, on constate que la rémunération des agriculteurs choisissant cette option est constamment assurée.

L'alternative au PLC est l’Agriculture Risk Coverage Program (ARC), garantie fédérale sur une partie du chiffre d'affaires, en prenant soit la référence du Comté, soit la propre référence de l’agriculteur.

Le Farm Bill renforce enfin l'assurance agricole, dont les primes sont subventionnées à 60 % en moyenne. Les assurances couvrent en général 75% de la récolte ou du chiffre d'affaires mais les plus chères en couvrent la totalité.

Tout cela démontre à quel point les Etats-Unis ont une approche pragmatique de leur politique agricole. Le filet de sécurité renforcé garantit un prix supérieur au coût de production, et par ailleurs plus le prix de marché est bas, plus les agriculteurs sont compensés, et ce sans limite puisque les dépenses de l'USDA ne sont pas plafonnées.

La production laitière américaine n’est pas en reste, disposant elle aussi de 3 solides outils de régulation :
un prix mensuel minimum (blend price) versé aux producteurs via un fonds de mutualisation alimenté par les transformateurs, au sein de chacun des 10 Programmes fédéraux d'organisation de la commercialisation du lait (FMMO) actifs sur le territoire américain,
une assurance fédérale d’une partie de leur marge au choix (0,08 à 0,16 $/kg, soit 70 à 140 €/t de lait) en contrepartie d’une souscription payée au trésor américain (0 à 24 €/t),
un programme permettant à l’Etat fédéral d’acheter des produits laitiers transformés, si la marge moyenne des producteurs passe sous les 70 €/t, et de les distribuer sous forme d’aide alimentaire.
Sans compter les assurances sur les fourrages et un programme d'indemnisation des pertes de cheptel en cas d’épidémie ou d’aléa climatique.

Quant à la production américaine de viande (blanche et rouge), les prix sont faussés par la politique de soutien des revenus des producteurs de céréales et de soja, qui peuvent ainsi fournir une alimentation animale à bas coût.

L’Europe se tire une balle dans le pied !
L’Europe, dont les dépenses agricoles sont au contraire plafonnées, a pour sa part choisi de continuer le versement d’aides découplées dont le montant reste fixe quels que soient les prix du marché. Aucune mesure de soutien n’est assurée en en cas de chute des prix des produits agricoles. C’est une carence majeure de la PAC dont les agriculteurs européens continueront de pâtir.

En matière laitière, l’UE a en outre choisi de supprimer les quotas à compter du 1er avril 2015 et d'abandonner ainsi toute régulation de la production, après avoir abandonné celle du marché. Cette démarche va à l'inverse de la préoccupation des USA, qui ont pourtant vécu l'expérience du libéralisme agricole et ont aujourd'hui mis en place une protection du revenu des producteurs.


« Faites ce que je dis, pas ce que je fais ! »
S’ils adoptent pour eux une politique agricole assez protectrice et n’hésitent pas à sous-notifier leurs soutiens internes à l’OMC, cela n’empêche pas les USA d’imposer au reste du monde une vision libérale. Etant donnée l’absence de plafonnement des aides fédérales versées, de nombreux experts s’accordent à dire que les plafonds de notification à l’OMC seront dépassés. Mais visiblement, ce n’est pas le souci principal des Etats-Unis !

Dans un tel contexte, on peut aussi sérieusement s’interroger sur leurs intentions et sur l’issue des négociations en cours pour l’accord transatlantique de libre-échange.

L’UE en respectant naïvement et plus scrupuleusement ses engagements à l’OMC est en train de ruiner complètement son agriculture ! Quand comprendra-t-elle que ce secteur est stratégique et que l'arme alimentaire n'est pas qu'un concept sans fondement ? Quand retrouvera-t-elle son réalisme pour instaurer une PAC réellement protectrice contre les excentricités du marché ? Pourquoi l'Europe ne tire-t-elle pas les leçons de l'expérience américaine, plutôt que de vouloir l'imiter avec des années de retard et foncer tout droit dans le mur ?

La Coordination Rurale défend depuis 1992 l’idée d’une Exception Agriculturelle à l’OMC. Il est grand temps que l'UE ouvre enfin les yeux sur la manière dont les USA prennent leurs aises avec l’OMC et qu'elle retrouve la vision de ses pères fondateurs.

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